Le pays du dauphin vert - Elizabeth Goudge
J’ai lu ce gros roman pour la première fois quand j’avais quinze ans, et j’en ai toujours gardé un souvenir émerveillé. A tel point que je me demandais s’il était bien raisonnable de le relire. Mais quand j’ai découvert que les éditions Phébus avaient eu l’excellente idée de le rééditer, je n’ai pas pu résister.
Guernesey, années 1830. Quand le Docteur Ozanne vient s’installer rue du Dauphin-Vert avec son fils William, la vie des sœurs Le Patourel en est toute bouleversés. Difficile d’imaginer deux sœurs aussi différentes que Marianne et Marguerite. Marianne, l’aînée, est la plus intelligente, elle est volontaire, intrépide et orgueilleuse ; sa cadette Marguerite est la plus jolie, elle est douce, rieuse et généreuse. Toutes deux, pourtant encore bien jeunes, vont tomber amoureuses de William, gentil garçon un peu indolent qui ne rêve que d’aventures et de naviguer sur les mers. L’une l’aimera avec passion et avidité, l’autre avec tendresse et compréhension. Laquelle des deux William choisira-t-il pour épouse ? Son choix, et ses conséquences, constitue l’enjeu du roman.
Nous allons suivre ces trois personnages pendant plus de cinquante ans, de Guernesey à la Nouvelle-Zélande, puisque c’est sur cette île lointaine que William finit par s’installer, au tout début de la colonisation britannique. William et son épouse connaîtront donc la rude vie des pionniers, les tremblements de terre et les guerres maories. Leur vie sera pleine de pleines de rebondissements et de questionnements.
Ce roman m’a autant plu à la relecture qu’à la lecture, mais sans doute pour des raisons bien différentes. C’est un livre très marqué par le merveilleux (contes et légendes) et le religieux (quête de Dieu), un aspect qui a dû me plaire à quinze ans, alors que j’étais en pleine crise mystique, mais qui m’a plutôt agacée aujourd’hui. Pour l’auteur, le monde a deux faces : la vie terrestre et la vie spirituelle, et chacune des deux sœurs en incarne une facette.
L’aspect le plus plaisant est pour moi les relations ambivalentes de ces trois personnages et, surtout, l’aventure néo-zélandaise. C’est le seul roman que je connaisse qui aborde cette partie de l’histoire de la Nouvelle-Zélande. Et si Elizabeth Goudge confesse qu’elle n’a jamais mis les pieds dans ce pays, elle a su en rendre la beauté et la sauvagerie avec beaucoup de réalisme. Et cette contrée à la nature luxuriante lui permet d’interroger le rapport de l’homme à la nature, tantôt protectrice et tantôt dévastatrice.
Mon seul vrai reproche à l’égard de ce roman est que les personnages principaux sont parfois un peu trop caricaturaux : Marianne trop autoritaire, Marguerite trop généreuse, William trop gentil. Chacun d’eux incarne une facette de l’amour : l'amour divin, l'amour altruiste, l'amour égoïste. Mais ça reste un très bon roman d’amour et d’aventures.
Lu dans le cadre du Mois Anglais
Traduit de l’anglais par Maxime Ouvrard.
Phébus Libretto, 2004 (1e éd. 1936). - 672 p.