L'indésirable - Sarah Waters
Longtemps, la famille Ayres a été l'une des familles les plus huppées du Warwickshire, régnant sur le village de Lidcote depuis sa vaste et élégante demeure de Hundreds Hall. Mais la crise et la guerre sont passées par là, et aujourd'hui (1947), la famille Ayres n'est plus que l'ombre d'elle-même. Madame Ayres tente tant bien que mal de sauver les apparences, pendant que son fils Roderick, gravement blessé pendant la guerre, s'épuise à gérer un domain qui périclite et qu'il vend, parcelle après parcelle, pour payer les factures. Et Caroline, la fille aînée, mène une vie de sauvageonne champêtre. Quant au manoir, sa beauté architecturale et son charme ancien peinent à dissimuler les ravages du temps : murs lézardés, peintures écaillées, tapis élimés et rideaux moisis. Et voilà que cette demeure patricienne et usée est le théâtre d'étranges phénomènes : bruits étranges, graffitis suspects, tâches inexpliquées. La maison est-elle hantée ou bien cache-t-elle un loup garou dans un placard ?
C'est le médecin de famille, homme de science rationnel, qui raconte l'histoire et qui trouve une explication logique à tout ce qui se passe. Rien d'étrange, ou de surnaturel, pour lui. La famille Ayres est simplement épuisée par le manque d'argent, l'isolement et ce domaine trop lourd à porter. Ses membres sont en train de sombrer, lentement mais surement, dans la folie. Mais l'auteur, pendant ce temps, fait entendre une tout autre chanson au lecteur, plus sombre, plus inquiétante. Sarah Waters manipule son lecteur à tel point qu'il se projette complètement dans cette tragique histoire de famille, et se met lui aussi à se demander si cette maison n'a pas sa propre vie, et à se retrouver claquant des dents au fond de son lit, persuadé d'être sa prochaine victime.
J'ai encore une fois été complètement bluffée par le talent de Sarah Waters, qui dresse le tableau d'une gentry anglaise, charmante mais désuète, qui n'a pas su s'adapter à la modernité et au changement, et qui est comdamnée à périr. J'avais cependant imaginé une fin encore bien plus noire...
Traduit de l'anglais par Alain Defossé.
Denoël, 2010 - 707 p.