Sarnia - G.B. Edwards
Sarnia, c'est le roman d'une île : «Guernesey, Guernesey, Garnsai, Sarnia, qu’ils disent. Enfin, moi, je ne sais pas trop. Plus je vieillis et plus j’apprends, plus je sais que je ne sais rien, moi. » Celui qui parle, c'est Ebenezer Le Page, qui prétend être le plus vieil habitant de l'île. Il est né à Guernesey, il y a toujours vécu et il sait qu'il y mourra. « Ils ne rêvent tous que de quitter l’île et, quand vraiment ils s’en vont, l’envie de revenir leur ronge le cœur. C’est pour ça que je ne suis jamais parti de Guernesey, moi. Je savais que je finirais tout simplement là où j’avais commencé.» Arrivée à la fin de sa vie, et pour combler ses solitaires soirées d'hiver, Ebenezer entreprend de coucher, dans des cahiers d'écolier, « l'histoire de [s]a famille, de [s]es amis et de [s]on île.» La vie à Guernesey, de 1880 à 1960, est une vie rude et simple, rythmée par les cloches de l'église et les horaires des marées. C'est une vie dans une petite société fermée, où tout le monde se connaît et s'observe, une société riche en personnalités excentriques. Et Ebenezer s'intéresse davantage à la vie des autres qu'à la sienne. Il cultive ses tomates, va à la pêche et court les filles. Il y en a bien une qu'il aimerait épouser, mais elle refuse de se marier par amour pour son indépendance.
L'auteur décrit si bien cette île, ses habitants et ses habitudes que pendant 630 pages, j'ai vraiment été l'une des leurs. Je me suis baladée dans St Peter's Port et dans l'Ancresse Common, j'ai détesté les anglais, les français et surtout les jerséiens, j'ai vécu deux guerres, une longue et oppressante occupation allemande, j'ai vu enfin l'île envahie par les touristes. Ebenezer joue souvent le grognon misanthrope, mais en fait c'est un brave type sentimental que l'on adore très vite, lui et son copain Jim, son neveu Raymond, sa tante Hetty. Il a le don pour relater tous les détails les plus croustillants, les bribes de vie truculentes, les anecdotes hilarantes ou tragiques. Il ruse avec tout le monde, et surtout avec le lecteur. En tout cas, il nous offre un gros roman enchanteur, dépaysant au possible, où l'on ne s'ennuie pas une seconde.
Le billet qui m'a fait découvrir ce roman, et l'avis de Chimère, et celui de Fantasio.
Traduit de l'anglais par Janine Hérisson.
Points, 2006 (1ere édition 1981). - 635 p.