A l'orée du verger - Tracy Chevalier

Publié le par Papillon

"Parfois c'est ce qu'il faut faire... revenir en arrière pour avancer."
 
 
Depuis le jugement de Pâris, on sait que la pomme peut devenir objet de discorde et provoquer une guerre. Tracy Chevalier remet le mythe au goût du jour, sur un mode tragi-comique qui revisite l'histoire de la conquête de l'ouest.
 
Dans les années 1830, James, Sadie et leurs dix enfants ont dû quitter leur Connecticut natal, parce la propriété familiale était devenue trop petite pour nourrir tout la famille Goodenough. Ils sont partis vers l'ouest, vers ces terres que le gouvernement distribuait aux colons aventureux, dans le but de peupler et de coloniser l'immense territoire américain. Ils ont atterri en Ohio, juste parce qu'ils n'ont pas eu le courage d'aller plus loin. Et l'Ohio, c'est pas un cadeau : des forêts contre lesquelles il faut sans cesse se battre, des marais qui pullulent de moustiques, de la boue et encore de la boue. Ils ont quand même bâti là quelque chose qui ressemble à une ferme, où ils élèvent les cinq de leurs enfants que la fièvre des marais ne leur a pas encore pris. La grande passion de James, ce sont ses pommiers, un truc de famille : le grand-père venu d'Angleterre en avait apporté un rameau à greffer, le père en a apporté un dans l'Ohio, des reinettes dorées, au goût d'ananas (dixit la légende, car personne dans cette famille n'a jamais mangé d'ananas). Pour devenir légalement propriétaire de sa terre, James a obligation de planter au moins 50 pommiers, ce qui est une vraie gageure dans un terrain marécageux comme celui des Black Swamp. Alors James lutte contre la nature, plantant, greffant, remplaçant les arbres qui périssent. Ce qui va devenir l'objet d'un contentieux avec sa femme, car Sadie a pris ces pommiers en horreur. 
 
"Ils se disputaient encore à propos des pommes. Lui voulait cultiver davantage de pommes de table, pour les manger ; elle voulait des pommes à cidre, pour les boire."
 
Cette querelle va tourner à la guerre conjugale, avec les enfants en témoins impuissants. Et cette partie du roman est vraiment épatante, tant l'auteure parvient à nous faire vivre la réalité de cette vie rude et l'enjeu de cette lutte. La tension dramatique autour des pommiers monte lentement mais sûrement, à tel point que j'ai ralenti ma lecture par peur de faire face à ce qui allait advenir. Et c'est précisément le moment que choisit Tracy Chevalier pour nous transporter en Californie vingt ans plus tard, où l'on retrouve le plus jeune fils Goodenough. Robert a hérité de son père la passion des arbres. Après après avoir fui la ferme familiale et tracé la route vers l'ouest, il est devenu assistant d'un botaniste qui envoie des graines et des plans de sequoia en Angleterre. Et autant la partie de l'histoire qui se déroule dans l'Ohio m'a parue vivante, originale et bien construite, avec l'alternance des vois du mari et de l'épouse, autant le reste m'a semblé sans grand intérêt, accumulant personnages et situations déjà beaucoup vues (l'apothicaire charlatan, la ruée vers l'or, les saloons et les filles faciles au grand cœur, etc). Autant les personnages des parents sont attachants (même Sadie, tout hystérique qu'elle soit, a su me toucher par son désespoir joyeux), autant leur fils est quelque peu falot, subissant sa vie au gré des événements qui se présentent. 
 
Tracy Chevalier a conçu son roman autour de deux personnages historiques: l'un, John Chapman surnommé Appleseed, vendait des plants de pommiers aux colons de l'Ohio ; l'autre, William Lobb, fut un des premiers botanistes à herboriser en Amérique et à expédier des graines en Angleterre. Ce qui explique probablement que les deux versants de l'histoire soient aussi dissemblables. Ce que l'auteure réussit avec les pommiers, elle le rate, à mon avis, avec les séquoias. 
 
L'avis de Clara, guère plus emballée que moi...
 
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anouk Neuhoff.
Quai Voltaire, 2016. - 336 p.
 
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V
J'avais beaucoup aimé Prodigieuses Créatures mais celui-ci m'a aussi déçue.
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P
Je n'avais pas lu Prodigieuse créatures, j'en étais restée à La jeune fille à la perle. Celui-ci en comparaison est très décevant !
L
Je suis déçue par cette auteure , je n'ai apprécié que "La Jeune Fille à la Perle"
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J
Pas d'enthousiasme débordant pour ce roman à ce que je vois. Il m'attend mais je vais le faire patienter encore un peu...
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P
Je dois dire qu'en ce moment tout me déplait !
L
Décidément, ce roman semble faire l'unanimité sur son défaut, ces deux parties que tu soulignes. Malgré tout, je compte bien le découvrir quand il sortira en poche.
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P
Ou a essayer en bibliothèque.
K
Guère tentée à cause de tous ces billets mitigés.
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P
Pas un indispensable...
G
Même impression pour moi. Un livre dont l'histoire ne prend pas...
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P
Exactement !
K
Guère emballée non plus. J'ai aimé la reconstitution de la dure vie de fermiers, mais pas accroché à la guéguerrre entre époux.
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P
Je l'ai trouvée réussie la guéguerre, c'est la californie qui m'a ennuyée.
C
et oui, je n'ai été guère emballée...
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P
Beaucoup d'avis mitigés sur ce roman.