Prince d'orchestre - Metin Arditi
Rentrée littéraire 2012.
Ce soir du 23 avril 1997, où il dirige la Fureur du destin au Victoria Hall de Genève, Alexis Nikolakis est au faîte de sa gloire et de son talent. Au milieu des 2000 personnes venues l'applaudir, il y a sa famille, ses amis, son agent, son biographe, la presse... Après vingt-cinq ans de carrière, Alexis est considéré comme le plus grand chef d'orchestre vivant. Les plus grandes salles du monde se l'arrachent, une biographie lui est consacréee et un club très fermé de milliardaires l'invitent à leur table de poker. Il ne lui manque qu'une chose pour que son bonheur et son triomphe soient complets : qu'on lui confie l'enregistrement de l'intégrale des oeuvres pour orchestre de Beethoven, le B16. Mais il est sûr de l'obtenir : à qui donc pourrait-on confier une oeuvre aussi magistrale ?
Pourtant, il y a une fêlure chez cet homme triomphant, liée à une blessure d'enfance, qu'une petite ritournelle va réveiller, poussant Alexis a commettre une erreur, qui va en entraîner une autre, en une fatale cascade menant le brillant chef d'orchestre à la chute.
J'ai trouvé la première moitié de ce roman remarquable, tant y est bien restituée l'atmosphère de tension, d'attente et de bonheur qui règne dans les salles de concert. Les chapitres très courts imposent un rythme rapide, tout en présentant une multitude de points de vue, qui nous permettent de mesurer à quel point ce chef d'orchestre est arrogant, égoïste, narcissique, orgueilleux et tyrannique. Et pourtant, si antipathique qu'il soit, il parvient à nous émouvoir, tant on mesure la solitude du chef d'orchestre dans une salle de concert, coincé entre un public avide et un orchestre pas toujours docile.
Dans la seconde moitié, malheureusement, le roman s'essouffle, en même temps que les chapitres s'allongent. Alexis rencontre un homme extraordinnaire, qui lui montre la voie du renouveau, mais il est bien trop imbu de sa personne pour la comprendre, et ne fait qu'accélérer sa dégringolade sociale, financière et familiale, allant jusqu'à se faire entretenir par un couple de lesbiennes, dont il va user et abuser, jusqu'à sa fin pathétique et annoncée.
Il s'en est donc fallu de peu pour que je n'aie un vrai coup de coeur pour un roman qui montre avec cruauté l'univers impitoyable de la musique, toujours prêt à brûler un jour ce qu'il a vénéré la veille.
Actes Sud, 2012. 372 p.