Les derniers grizzlys - Rick Bass
Le grizzly, de son vrai nom Ursus arctos horribilis, fait partie intégrante de la mythologie de l’Ouest sauvage en Amérique. C’est l’un des plus grands carnivores terrestres, il peut atteindre une taille de trois mètres, et passe pour particulièrement féroce (réputation très exagérée, en réalité). On ne le trouve qu’en Amérique du Nord, surtout dans les zones montagneuses et boisés. Mais il a été tellement chassé pendant des dizaines d’années qu’il a fini par disparaître presque totalement des Rocheuses américaines. On ne le trouve plus que dans le Parc de Yellowstone, où il est protégé. Et pourtant, au cours des années quatre vingt-dix, des témoignages de promeneurs et de forestiers, attestent la présence de quelques grizzlys au sud du Colorado, dans les San Juan Mountains. Quelques amoureux de la nature vont se lancer sur leurs traces. Rick Bass a eu la chance de participer à ces expéditions et c’est ce qu’il raconte ici.
Source : Flickr - (c) Chascar
Il y a trois récits en tout, trois expéditions, trois années successives, avec trois équipes différentes : des écrivains ou des journalistes, des scientifiques, ou de simples défenseurs de la nature, comme le fameux Doug Peacock, qui fut l’ami et le comparse d’Edward Abbey1, dont il partage la philosophie plutôt radicale vis-à-vis de la nature sauvage.
J’ai toujours un peu de mal avec les livres de Rick Bass, à cause de sa vision mystique de la nature, qui a tendance à m'agacer. Et en plus j’ai eu un peu de mal à entrer dans le premier récit, riche en incidents mécaniques, peu intéressants. Mais je reconnais que Rick Bass a un vrai talent pour parler de la nature : je me suis vue crapahuter dans ces montagnes, sac au dos, dans les sous-bois, à trois ou quatre mille mètres d'altitude. J’ai senti l’odeur si particulière de la forêt, j’ai goûté la pluie, la brume et le vent. Et, bien sûr, j’ai adoré les bivouacs autour du feu de camp.
Parcourir les bois à la recherche d’une crotte ou de quelques poils d’ours (puisque c’est de cela qu’il s’agit !) peut paraître peu sexy, mais cette tâche est cruciale. Si on veut espérer que les derniers grizzlys soient protégés, il faut pouvoir prouver leur existence au service des Eaux et Forêts. Et pourtant, ces expéditions se révèlent plutôt réjouissantes, drôles et pleines de vie. Et chacune d'elles va rapporter un peu plus de traces que la précédente, et, au fur à mesure, la tension monte. Cette quête, qui évoque une enquête de police avec sa rituelle recherche d’indices, est aussi pour chacun de ces hommes une quête très personnelle : la recherche de quelque chose qui les dépasse, quelque chose de perdu à retrouver, quelque chose de précieux à conserver.
Un jour, peut-être, un E.T. venu d’ailleurs, après que nous nous soyons auto-détruits, écrira un bouquin baptisé « Les derniers humains. »
Traduit de l’américain par Gérard Meudal.
Gallmeister, 2010 (1e édition 1995). – 259 p.
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1Ce qui me fait penser que je n'ai toujours pas chroniqué l'excellent Désert solitaire, que j'ai pourtant beaucoup aimé.