Le grand soir - François Dupeyron
Un soir de beuverie à Genève, le peintre Gustave Courbet croit reconnaître dans un bordel son amie Jo qui fut le grand amour de sa vie et le modèle du célèbre tableau L’origine du monde. En fait, il se trompe, cette belle femme rousse n’est pas Jo, mais Mona une prostituée parisienne. Qu’importe ! Le temps d’une nuit il entreprend de lui raconter sa vie, ou, en tout cas, les années les plus marquantes de sa vie.
Ce roman commence comme le poème d’Apollinaire, La Chanson du Mal Aimé :
« Un soir de demie brume à Londres
Un voyou qui ressemblait à
Mon amour vint à ma rencontre »
Et mal aimé, il le fut, Gustave Courbet, peintre de génie, inventeur du réalisme. Dans ce roman, François Dupeyron met en scène les dernières années de la vie du peintre. Gustave Courbet est un personnage haut en couleur, buveur, viveur, jouisseur, mais aussi socialiste, grande gueule, générateur de scandales et d’envies, admiré et jalousé, adulé ou haï, riche et célèbre puis trahi, dépouillé et banni. Ce n’est pas un livre sur la peinture au sens propre, mais sur la Commune et là on en prend plein les tripes. Cette période est assez peu évoquée dans la littérature : ces deux mois où le peuple de Paris prit le pouvoir, juste après la guerre de 1870, la fuite de Napoléon III et la victoire des Prussiens. Courbet fut de ces hommes qui crurent au pouvoir du peuple. Mais le rêve ne dura pas, la répression fut sanglante et féroce. A Courbet, on aura tout pris : ses toiles, son art, son honneur, son argent et il ne s’en remettra jamais vraiment.
C’est écrit dans une langue sensuelle, vivante, vibrante. Dupeyron est cinéaste, donc son style est très visuel. Par ce roman, vous vivrez la Commune comme si vous y étiez, à en pleurer de rage et de douleur.
Actes Sud, 2006. – 270 p.