Nina Berberova - Le cap des tempêtes

Trois sœurs, Dacha, Sonia et Zaï qui ont le même père mais des mères différentes vivent exilées à Paris et cherchent un sens à leur vie, un sens à la vie. Pour Dacha l’aînée c’est la recherche de l’équilibre et de l’harmonie, pour Sonia la recherche d’un impossible absolu, et pour Zaï une vie sans peur. Sonia est une intellectuelle qui a écrit une thèse d’histoire, qui lit tous les journaux, qui réfléchit au monde, Zaï est une enfant qui vit, qui découvre le monde avec gourmandise : l’art, Paris et ses plaisirs. Dacha travaille comme secrétaire dans une banque. Par son salaire, elle fait vivre toute la famille quand les affaires de son père vont mal. Elle est sérieuse et raisonnable. Sonia symbolise l’esprit, Dacha le cœur et Zai les sens.
Il y a quelque chose de très « russe » dans cette histoire, dans ces personnages féminins qui s’interrogent sur le monde, sur la vie, sur leur avenir. Une vague mélancolie baigne le roman, regret d’un monde qui n’est plus (la Russie d’avant la Révolution). Pour Nina Berberova, c’est aussi l’occasion d’une réflexion sur le XXe siècle : plus de Dieu, plus d’idéologie, etc.… C’est pourquoi Le cap des tempêtes est son roman le plus profond, le plus intello, le plus philosophique, écho aux trois sœurs de Tchekhov et aux frères Karamazov de Dostoïevski. Un roman qu’elle a écrit en 1950, juste avant de quitter la France pour les Etats-Unis et dont elle avait expressément demandé à son éditeur qu’il ne soit publié qu’après sa mort.
Extrait :
« Pourtant, l’unique chose que je désire dans la vie, c’est le bonheur. Pas le calme, ni la liberté, mais le bonheur. Et je ne veux pas que ce soit un instant dont je doive m’emparer pour y penser ensuite : je cherche un état de bonheur stable, pérenne. Une plénitude absolue et perpétuelle. Un bonheur totalitaire, pour ainsi dire. Et ma tâche, mon objectif, tout le sens de ma vie est la recherche de ce bonheur. » (p.58)
Trad. du russe par Luba Jurgenson.
Actes Sud, 2002. – 426 p.