Harlequinades 2009 / Episode 1
Un été sur la blogosphère ne serait pas totalement réussi sans un petit défi de lecture. Celui de l’année (mis en scène par Chiffonnette et Fashion, sur un décor de In Cold Blog) a pour objet de nous faire lire un (ou plus, si affinités) de ces romans que ma mère appelait « à l’eau de rose ». (Notez au passage qu’il y a sur cette image une impossibilité anatomique : un homme ne peut pas avoir à la fois de si larges épaules et une taille aussi mince : à mon avis, c’est un mutant...)
Bien qu' ayant lu un certain nombre de ces romans dans ma jeunesse (c’était à peu près la seule chose que j’étais capable de lire en période d’examens), je me suis révélée incapable d’en acheter un en magasin, d’autant que je n’en ai pas trouvé en bouquinerie (car, oui, j’ai cherché) comme certaines veinardes. J’ai donc choisi la facilité en me rendant sur le site de la célèbre collection, ce qui m’ a permis de trouver la réponse à cette question qui me taraudait depuis des années : « Quelle lectrice d’Harlequin suis-je ? » Je me voyais en aventurière.. Pas du tout ! Je suis une Sensible : tendresse, idéalisme, optimisme, réconfort, loyauté, dévouement, tel est mon portrait (je me demande pourquoi je ne suis pas devenue infirmière, tiens !). A moi donc la collection Passions et merci à Harlequin de m’avoir révélé ma vraie nature !
Profitant des soldes d’été, je me suis retrouvée avec le volume ci-contre (deux histoires pour le prix d’une, c’est trop de bonheur !) dont je vous épargnerai le résumé puisque chacun(e) sait que ce qui caractérise les romans Harlequin, c’est justement l’absence d’intrigue, le pitch tenant en une ligne : un homme et une femme (chez Harlequin on est 100% hétéro) tombent amoureux et vont mettre 150 pages (dans le meilleur des cas, 300 dans le pire) à se le dire…
L’amant du lac Tahoe d’Elizabeth Bevarly se déroule dans le milieu du travail, ce qui m’a permis de me livrer à une très intéressante étude sociologique de la vie professionnelle made in Harlequin.
Précisons pour commencer que la vie professionnelle ici se résume aux relations du Patron et de son Assistante.
1) L’Assistante de direction.
Elle est surdiplômée, titulaire d’un « master de gestion estampillé Stanford » (excusez du peu !), elle a accepté ce poste pour lequel elle est « bien trop qualifiée » pour le plaisir de travailler pour « une légende vivante » (sic !) du monde des affaires, ce qui lui donnerait « l’opportunité de nouer d’excellents contacts, et de nager parmi les requins ».
Pour être crédible et paraître compétente, l’Assistante se doit de porter des vêtements « de style masculin : chemises blanches, pantalons noirs à rayures grises. » Pour compléter la panoplie, on n’oubliera ni « les lunettes de bibliothécaires », ni les cheveux coiffés en chignon (bienvenue dans les années cinquante !)
L’Assistante est bien évidemment polyvalente et multitâches. Pour le Patron, elle sera à la fois « son agenda, sa montre, sa coordinatrice (oserai-je suggérer au Patron d’acquérir un Palm ?) Sa barmaid, son astrologue, sa conscience. Son traiteur, son boulanger, sa pourvoyeuse de bougies. Sa bricoleuse, sa couturière, son espionne… » (sa bonne à tout faire, en somme ?)
Et quand l’Assistante se décide à démissionner, c’est parce que la concurrence vient de lui proposer un poste de vice-présidente chargée des relations publiques. (ben voyons !)
2) Le Patron
Trente-deux ans, californien, et déjà millionnaire (le pauvre, c’est pas de sa faute, c’est son père qui l’a obligé !), il est patron d’une multinationale employant des milliers de personnes. C’est l’un « des hommes d’affaires le plus intelligents du marché », qui possède « une perception fine de ses rouages ». Il est réputé pour « sa détermination impitoyable pour arriver à ses fins » et est « prêt à broyer tous ceux qui se dressent sur son passage ». Pourtant ce bourreau de travail, « marié à son entreprise », ne travaille jamais. A moins que travailler ne consiste à passer un ou deux appels sur son portable et sa balader dans les couloirs avec un dossier sous le bras ?
Ce cador des affaires n’a pas non plus peur du ridicule : après avoir viré son Assistante qui venait de lui présenter sa démission, il lui court après dans les trois jours pour la supplier de reprendre son poste (normal : à mon avis, c’est elle qui faisait tourner la boite !).
Ce type super intelligent se révèle par ailleurs absolument incapable de faire fonctionner le moindre appareil électronique. Passe encore pour le four micro-ondes ou la cafetière électrique (beaucoup d’hommes ont été programmé sans le neurone culinaire), mais ne pas savoir programmer son Blackberry, alors là je rigole !
Comble de misère, ce patron de multinationale doit recruter lui-même une nouvelle assistante (mais que font les RH ?), et ce, sur son lieu de villégiature. Tous les postulants ont un doctorat minimum et sont pourtant incapables de répondre à cette question (classique pour un entretien de recrutement) : « Quels sont les nouveaux défis que soulève le commerce électronique en termes de gestion et d’encadrement ? » (J’adore quand l’auteur fait mine de s’intéresser au monde moderne !)
Pour faire revenir son assistante à son poste, le Patron lui propose donc de multiplier son salaire par QUATRE (je suis donc en train de rédiger ma lettre de démission pour obtenir la même augmentation) (non, mon patron n’est pas un jeune millionnaire californien, mais ça marche peut-être aussi avec les scientifiques sexagénaires et bedonnants ?)
3) Et l’amour dans tout ça ?
Lorsqu’il voit pour la première fois son assistante avec les cheveux tombant sur les épaules, le roi des affaires est frappé d’une illumination : ainsi donc la personne hyper efficace qui lui fait son café tous les matins est… UNE FEMME ! Damned ! Malheureusement, elle a été livrée sans le manuel d’utilisation, ce qui va conduire le Patron à se conduire comme un vulgaire ado boutonneux dont les hormones bouillonnent.
Quant à l’Assistante, elle reste professionnelle jusqu’au bout (si j’ose dire...) Après une nuit d’amour torride, sa première pensée est : « Elle venait de coucher avec son chef !!!! », et quand deux jours après, le Patron la demande en mariage (oui, les choses vont vite dans le monde Harlequin), elle répond froidement : « D’accord, mais fixons les modalités. » Vous l’aurez compris : chez Harlequin, on ne peut pas être à la fois compétente ET romantique. Mais les conventions sont respectées, les initiatives dans les jeux de l’amour sont toujours l’apanage du mâle et tout finit par un mariage.
Ce qui fait dire à la mauvaise langue que je suis, que si cet homme-là a épousé cette femme-là, à ce moment-là, c’est peut-être aussi pour ne pas perdre sa bonne à tout faire. Oh, que je suis peu romantique ! (Serait-ce à dire que je suis compétente ? La question reste ouverte…)
Retrouvez tous les billets des Harlequinades 2009 chez Fashion.
L'amant du Lac Tahoe/Elzabeth Bevarly, Un domaine en héritage/Brenda Jackson. - 2009, 472 p.