Louise Erdrich - La chorale des maîtres bouchers

J’ai rarement lu un auteur capable de décrire avec autant de précision et de délicatesse la vie tout simplement, ce qu’Hésiode avait appelé « Les travaux et les jours ». Ce roman c’est presque la vie ordinaire dans un petit village de l’ouest américain. On y trouve juste des gens qui travaillent et ont choisileur vie , qui ont le goût de leur métier et des choses bien faites. Des femmes bavardent dans le jardin en épluchant les haricots, un chien devient voleur de viande, une épouse astique tous les matins avec fierté les vitrines de sa boutique, un petit garçon cache sous son oreiller un souvenir se son amoureuse disparue, une jolie jeune femme s’occupe de la morgue, le shérif est amoureux, une vieille femme vend des chiffons, et bien sur il y a des chants… Et il y a des drames aussi : une femme agonise d’un cancer sous les yeux de sa famille, une tante jalouse cache de la morphine, une cave recèle une macabre découverte, une galerie s’effondre… Et puis c’est compliqué, parce que la famille est d’origine allemande alors quand éclate la seconde guerre mondiale, certains des fils combattent avec les allemands, contre les américains et reviennent dans leur pays d’adoption en tant que prisonniers…
Louise Erdrich s’est inspiré de son histoire personnelle pour bâtir son roman : un grand-père allemand, boucher et chef de chœur qui a émigré en Amérique. Mais sur cette base elle a écrit une vraie histoire d’immigrants dans l’Ouest. N’y cherchez pas les indiens et les cow-boys, ils n’y sont pas. Mais comme Louise Erdrich a une imagination débordante, à la place elle vous offre un tas d’anecdotes burlesques ou tragiques. Ainsi qu’une belle galerie de personnages : Eva, la femme du boucher, Roy l’ivrogne du village, Camille l’embaumeuse, Un-Pas-Et-Demi, une étrange vagabonde, et bien sûr Delphine, figure centrale du roman, avec ses désirs, ses joies et son dévouement.
Un très beau roman, plein de vie, d’émotions et de sentiments.
Trad. de l'américain par Isabelle Reinharez
Albin Michel, 2005. - 468 p.