Perdu dans un supermarché - Svetislav Basara

Ce recueil rassemble une vingtaine de nouvelles qui se répondent de l'une à l'autre et ont en commun d'être complètement absurdes. Basara joue avec les mots, les temps verbaux, les lieux, et incarne tous les rôles : auteur, narrateur, adoptant tour à tour tous les points de vue, personnage, et même critique. Il construit et déconstruit un monde dénué de sens qui nous renvoie à l'absurdité totale de la vie.
« En vérité, nous ne savons jamais ce qui se passe ; nous sommes des fétus dans une tourmente d’évènements, les faits ne viennent qu’à la fin. »
On trouve dans ces récits, qui n'en sont pas vraiment, de la musique, du cinéma, du football, de la philosophie et de la théologie. On y croise Agatha Christie et son Orient Express, Borges, Kant et Henry Miller. Les bus ne passent pas, la pluie ne tombe pas, Fin est un personnage comme les autres, Dieu répond au téléphone et tous les objets sont suspects.
« Une horloge m’indiquait sans ambiguïté qu’il était huit heures vingt, elle écartait les aiguilles, hors de portée en haut sur le mur, elle me provoquait en montrant ses huit heures vingt. Je ne l’ai pas crue. Comment croire un appareil qui de jour en jour, au même rythme, répète la même histoire ? Non, me suis-je dit, jamais plus je ne croirai en un appareil aussi peu crédible. Je n’ajouterai pas foi à quelque chose qui ne cesse de tourner en rond, à quelque chose d’aussi versatile. Car, une minute seulement après avoir affirmé qu’il était huit heurs vingt, cette camelote s’est mise à soutenir autre chose : huit heures vingt et une. L’horloge, visiblement, s’était rendu compte que j’avais perçu à jour sa sale manigance. Elle s’est mise à battre plus discrètement. »
C'est un objet littéraire qui peut paraître déroutant, mais personnellement j'adore ! Et je conseille vraiment de découvrir cette plume et cet univers qui demande juste pour se laisser apprivoiser que l'on accepte les non-règles qu'il propose. C'est savoureux, jouissif, plein de découvertes et d'interrogations.

Traduit du serbe par Gojko Lukic.
Les Allusifs, 2008. - 178 p.