Le coeur est un chasseur solitaire - Carson McCullers
Pauvreté extrême et ségrégation raciale servent de toile de fond à ce roman publié en 1940 par une jeune femme de vingt-deux ans. L’action se déroule dans une petite ville du Sud profond des Etats-Unis à le fin des années trente. Blancs et Noirs y cohabitent dans une indifférence condescendante (côté blanc) ou craintive (côté noir). Dans cette ville triste et poussiéreuse, vivent plusieurs êtres solitaires en mal d’expression et d’amitié. Mick Kelly, jeune fille pauvre dont les parents tiennent une minable pension de famille, ne rêve que de musique. La nuit, elle rôde dans les rues dans l’espoir d’entendre les notes d’une symphonie, échappées de quelque fenêtre ouverte. Biff Brannon, lui, tient un bar restaurant. Derrière son comptoir, il observe ses semblables avec perplexité. C’est un brave type qui aime aider tous les faibles et les marginaux, au grand dam de son acariâtre épouse. Jack Blount est communiste. Il essaye désespérément de transmettre son message de révolte aux ouvriers qui l’entourent, sans grand succès. Benedict Copeland est le seul médecin noir de la ville, qui consacre toute son énergie à son peuple. Il se sent investi d’une mission : sortir les Noirs de la servitude et de l’ignorance. Combat désespéré dans cette ville où le racisme exacerbé sème la terreur chez les Noirs. Ces quatre personnes vont se trouver un même ami : John Singer, le sourd-muet qui lit sur les lèvres et semble comprendre tout ce qu’on lui dit. Tous vont lui confier leurs rêves, leurs espoirs, leur colère. En John Singer, silencieux et énigmatique, s’incarnent tous les fantasmes. Mais tous ignorent que toutes ses pensées sont en fait tournées vers un seul être : son ami Antonapoulos, enfermé dans un asile psychiatrique.
Ce roman, qui soufre d’une traduction très vieillotte, voire approximative, est d’un pessimiste absolu. L’homme y apparaît condamné à la solitude, malgré ses efforts pour en sortir. Tous les discours et toutes les confidences se perdent dans l’oreille d’un sourd : quelle meilleure image de l’incommunicabilité ! Tous les combats sont voués à l’échec. Et nul ne peut échapper à son destin : les pauvres resteront pauvres, les rêves seront massacrés, les éléments perturbateurs seront chassés. Quelle que soit la réalité du rêve américain, il ne semble décidément pas destiné au Sud…
J’ai trouvé ce roman d’une étonnante modernité. Remplacez le sourd-muet par un poste de télévision, lieu de tous les fantasmes modernes, et vous comprendrez ce que Carson McCullers a voulu dire.
La critique de Tamara.
Traduit de l’américain par Marie-Madeleine Fayet.
Editions Stock, 1947. – 445 p.