Mississippi solo - Eddy L. Harris

Publié le par Papillon

"Je regarde le Mississippi et j'y vois le symbole de l'Amérique, la colonne vertébrale d'une nation, un symbole de force, de liberté et de fierté, de mobilité, d'histoire et d'imagination."
 
A la fin des années 80, Eddy Harris conçoit un rêve un peu fou : descendre le Mississippi en canoë sur toute sa longueur, depuis le lac Itasca, dans le Minnesota, où il prend sa source, jusqu'au Golfe du Mexique, où il se jette dans l'océan. Si le projet paraît risqué c'est parce que le Mississippi est un fleuve gigantesque et puissant, long de 4000 kilomètres, alors que l'auteur est un apprenti en matière de canotage, à peine âgé de trente ans. Mais il a grandi à Saint-Louis, Missouri, au bord de ce fleuve qui a toujours exercé une grande fascination sur lui. Le Mississippi qui traverse les États-Unis du Nord au Sud, en établissant une frontière symbolique entre l'Est et l'Ouest, est une vraie légende pour les Américains qui le surnomme affectueusement The Old Man River.
 
"Le Mississippi. Puissant, boueux, dangereux, rebelle, et pourtant fort et paternel."
 
Pour Eddy Harris, le goût du risque se mêle au désir d"aventure, voire d'exploit, mais aussi à l'envie de se confronter au racisme. Lui qui ne s'est jamais vécu comme Noir sait que son périple va l'entraîner de "là où il n'y a pas de Noirs à là où on ne [les] aime toujours pas beaucoup". Il se demande quelle perception les gens qu'il va croiser en route auront de lui. Voilà comment, par une froide matinée d'octobre, il se retrouve sur le lac Itasca, assis dans un canoë d'emprunt, avec le minimum de matériel de camping pour affronter plusieurs semaines d'un voyage sportif.
 
"Et quelle journée ! J'arrête la course un moment pour admirer encore une fois le jour, la beauté et la splendeur du fleuve. Je sais dorénavant, si je ne le savais pas, que Dieu existe. Je l'ai vu toute la journée et je l'ai entendu."
 
Et quel voyage que celui-ci, qui nous emmène à travers l'Amérique profonde et des paysages tantôt bucoliques et tantôt industriels. Dès le début, Eddy Harris est extrêmement sensible à la beauté de tout ce qui l'entoure : eau, minéral, végétal, animal ou humain. Si à sa naissance le Mississippi est un gentil cours d'eau à peine profond d'un demi-mètre, il va bientôt se transformer en monstre liquide, avec ses courants, ses méandres et ses rives mouvantes. Ce fleuve, notre héros va devoir l'apprivoiser, tout comme il doit domestiquer son canoë. Il lui faut négocier avec ses dangers : les écluses, le vent, les énormes barges chargées de charbon ou de céréales qui traversent le pays d'un bout à l'autre. Heureusement, le voyage sera riche en rencontres, le plus souvent bienveillantes, voire admiratives. Chasseurs, pêcheurs, mariniers ou promeneurs, il se trouve toujours quelqu'un pour lui rendre service, lui offrir un café ou partager un moment devant un feu de bois.
 
Cette expédition, sur laquelle plane l'ombre de Mark Twain et de son Tom Sawyer et qui voit défiler villes et états, est une véritable traversée de l'histoire et de la géographie des États-Unis. Le Mississippi est un monde que l'auteur découvre avec un émerveillement toujours renouvelé, même s'il connaît aussi des moments difficiles, de peur, de fatigue et de découragement, toujours narrés avec une bonne dose d'autodérision, pour découvrir finalement que cette aventure périlleuse et enchantée l'a surtout mené vers lui-même. J'ai adoré ce périple si américain dont le charme repose en grande partie sur l'empathie que l'on éprouve pour le narrateur, qui nous embarque littéralement avec lui sur son canoë et sur ce fleuve mythique.
 
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pascale-Marie Deschamps.
Liana Levi, 2020. - 336 p.
 
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J
ça me rappelle "Le voyage en canoë sur les rivières du nord" de Stevenson. J'adore l'idée !
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P
Je ne connais pas du tout mais je m'empresse de noter. Merci !
N
Nul doute que cela doit être dépaysant... Pas dans mes envies du moment mais je note au cas où.
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P
Ce n'est pas tant le dépaysement qui m'a plu, que le fait qu'il montre un aspect de l'Amérique qui m'a bien plu, bien loin de tout ce qu'on entend en ce moment.
D
Bon, moi, les périples américains, ce n'est pas trop mon truc. Du coup, malgré ton enthousiasme, je ne te suivrai pas :-)
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P
Je vais bientôt te proposer un périple sud-américain, peut-être te séduire-t-il davantage...
K
Repéré, les éditions Liana Levi ont une rentrée très attirante, et comme je ne connais pas encore Eddy L Harris, pourquoi pas ?
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P
Moi non plus, je ne le connaissais pas du tout, mais cette aventure est assez géniale, bien que narrée avec beaucoup de simplicité.
K
Pareil que Aifelle, jamais vu, mais ça m'intéresse!
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P
Oui, j'ai pensé à toi, en le lisant, parce que c'est le genre de bouquins qu'on trouve chez toi.
A
Je n'ai pas remarqué ce livre, qui est pourtant tout-à-fait dans mes cordes.
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P
Il se trouve que l'auteur vit en France, tout près de chez moi, et que la presse locale lui a consacré quelques articles, qui ont attiré mon attention.