Un homme - Philip Roth

Publié le par Papillon

"Voilà qu’échapper à la mort semblait être la grande affaire de sa vie, qui se résumait désormais à l'histoire de son déclin physique."
 
L'homme dont il est ici question est arrivé dans la dernière partie de sa vie. Il a fait une belle carrière de publiciste, a été marié trois fois (et divorcé trois fois), a eu trois enfants (deux fils qui le détestent, une fille qui l'adore). Arrivé à la retraite, il s'installe sur la côte Atlantique, dans un lotissement pour retraités aisés, et entend s'y consacrer à sa passion pour la peinture. Mais il a des problèmes de santé et souffre de solitude, terrifié à l'idée d'affronter seul la vieillesse. 
 
"Un homme luttant naguère sur tous les fronts, aujourd'hui sur aucun, qui n'est plus personne, plus rien qu'un zéro en furie, qui n'attend que la délivrance du coup de gomme définitif."
 
Vieillesse, maladie, solitude, mort : voilà comment on pourrait résumer ce roman qui commence précisément par les obsèques de cet homme qui jalousait tellement son frère aîné d'avoir une santé de fer. Un roman qui aurait pu s'appeler "Un corps" tant la vie de cet homme y est réduite à ça : le corps souffrant, depuis l'opération d'une hernie quand il avait dix ans jusqu'à la dernière opération qui lui coutera la vie en passant par un triple pontage coronarien, et un nombre infini d’interventions chirurgicales destinées à lui réparer des artères bien esquintées.
 
"Ce n'est pas une bataille, la vieillesse, c'est un massacre."
 
La plume de Roth se densifie avec le temps par rapport à ses premiers gros romans, et ça c'est très agréable : pas un mot de trop. Mais, peut-être parce que je ne suis pas encore tout à fait à l'âge où l'on compte ses bobos, je n'ai pas réussi à entrer en empathie avec cet homme qui regrette son passé, et chouine sur son présent sans être vraiment capable de savourer tout ce qu'il a accompli et obtenu. Il se perd dans les regrets stériles, notamment à propos de sa deuxième femme, la plus bienveillante de toutes, mais qui l'a quitté après qu'il l'eut honteusement trompée. J'ai même trouvé quelque peu choquante une scène où ce vieil homme pathétique drague lourdement sur la plage une joggeuse qui a trente ans de moins que lui... Les meilleures pages du roman sont sans doute celles où ce vieil homme se remémore son enfance, et les jours heureux dans la bijouterie familiale. Pour le reste, il donne vraiment une vision très pessimiste de la vieillesse.
 
"Il s'était rabougri pour devenir cet homme qu'il ne voulait pas être."
 
Titre original : Everyman
Traduit de l'anglais (États-unis) par Josée Kamoun.
Gallimard, 2007 ; Folio 2009. - 184 p.
 
Lu dans le cadre du Mois américain

 

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D
Bon, n'ayant encore jamais lu Philip Roth, ce n'est sûrement pas par celui-ci que je commencerais...
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P
Nicole a commencé par celui-ci et a été totalement conquise ;-)
A
Pas du tout envie de le lire, surtout sous l'angle que tu le décris. Je suis à l'âge où on compte ses bobos et l'on se demande quels seront les prochains ;-) ! mais pas envie de m'apitoyer là-dessus un livre entier. Et l'attitude de l'homme vis-à-vis des femmes m'énerverait beaucoup je pense
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P
En le lisant, je pensais à l'auteur (que j'aime beaucoup) en espérant que ses dernières années n'ont pas été aussi désagréables que celles de son personnage...
R
Et bin tout un sujet...cela me rappelle Mr Schmidt...des fois, on voudrait leur dire que la vie c'est vraiment a eux de se la faire....bref....pas sure d'aimer ce livre....car cela va m'enerver...lol
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P
C'est un peu l'impression que j'ai eue ;-) Mais Philip Roth reste un immense écrivain, que j'adore !
I
Ce n'est pas mon préféré de l'auteur, même si je l'ai beaucoup apprécié, notamment pour cette économie de mots que tu évoques. Mais j'aime Roth quand il est plus dense, et que ses sujets embrassent le social et l'Histoire en même temps que l'intime..
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P
Pareil pour moi : je le préfère dans ses écrits plus politiques, il est très bon sur le mode sarcastique.
K
Je me souviens avoir beaucoup aimé... et puis c'est tout ! Le hic lorsque je n'écris pas de billet, c'est que les écrits s'envolent...
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P
Ou peut-être que tu n'as pas écrit de billet parce que tu n'avais pas grand-chose à en dire ?
N
Mon premier Roth lu il y a 2 ans (oui j'étais assez en retard...) et j'ai adoré. Tout. Au point de me demander pourquoi j'avais tant tardé... depuis, j'en ai lu quelques autres. Mais celui-ci est d'une virtuosité remarquable.
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P
Oui, je ne souviens de ta découverte de Roth :-) Il est toujours très agréable à lire, mais ici c'est vraiment ce personnage que je n'ai pas aimé.