A sang perdu - Rae DelBianco
"Les hommes pensent tout savoir du désert comme ils pensent tout savoir de la violence. Mais ils ont tort, pour les deux. "
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Âmes sensibles, s'abstenir ! J'ai beaucoup souffert avec ce roman, et si je devais le résumer en un mot, ce serait celui-ci : poisseux. Ça poisse de sang qui coule à flots et imprègne tout, les visages, les mains, les bouches, les âmes, mais aussi de crasse qui colle à la peau parce qu'il fait très chaud, et qu'il n'y a partout que du sable et des rochers. Et ça poisse aussi parce que l'autrice étale et dépeint toute cette sueur, tout ce sang, toutes ces fluides corporels avec une complaisance certaine, et tout ça laisse au lecteur un sentiment très désagréable et la forte envie d'aller prendre une douche.
Plein de choses m'ont gênée dans cette histoire, à commencer par le style, qui gagnerait à plus de simplicité, car l'abus de figures de style finit par faire tourner la tête du lecteur qui n'a vraiment pas besoin de ça. Il y a ensuite toute cette violence, dans des scènes certes très visuelles et bien construites, mais un peu too much, qui finissent en boucherie. Il y a enfin les propos pseudo-philosophiques qu'échangent les deux protagonistes, auxquels je n'ai pas compris grand-chose, sauf que la vie dans ces contrées inhospitalières se résume à ceci : tuer ou être tué. Ce qui fait revivre le mythe d'une certaine Amérique, où le combat est permanent : lutte contre des hommes impitoyables, contre des animaux cruels, contre une nature implacable, comme au bon vieux temps des pionniers.
Tout cela diffuse l'idée vaguement nauséabonde et bien américaine que dès lors que l'on lutte pour sa survie tout est permis, renvoyant l'homme à son animalité originelle et jetant aux orties toute idée de civilisation. De police, ici, il n'en est pas question, seule règne la loi du plus fort et on lave son linge sale en famille. Or ces gens ne sont rien d'autre que des trafiquants de drogue pour les uns, des parricides pour les autres. Car, en arrière-plan, il y a la mort du père des jumeaux dans un accident de chasse qui n'en était peut-être pas un, ce père qui avait appris à ses enfants dès leur plus jeune âge comment tuer pour survivre.
Bref, si je reconnais qu'il y a une énergie et une voix dans ce premier roman, ce n'était pas du tout un truc pour moi.
"Mais quoi de plus implacable que le ciel asséché de l'Utah, blanchissant les crânes, repoussant le sable à l'intérieur des pâturages sans rien offrir pour affronter la destruction chaotique de tout ce qui flottait sur la boue irriguée dans les hauteurs des déserts du sud qui avalaient notre siècle."
Titre original : Rough Animals.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Théophile Sersiron.
Seuil, 2019. 336 p.
Lu dans le cadre du Mois américain