Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla - Jean-Christophe Rufin
"Le mariage est quelque chose de beaucoup trop sérieux pour le confier à des jeunes gens."

Tout commence en 1958 lors d'un improbable voyage en URSS sous le double patronage du PCF et de Paris-Match pour témoigner du paradis soviétique. Edgar est un tout jeune homme d'origine modeste entrainé un peu par hasard dans cette aventure. Dans un village d'Ukraine, il croise Ludmilla, perchée nue en haut d'un arbre. Une vision si forte qu'elle le pousse à revenir quelques mois plus tard chercher la très jeune femme et lui permettre d'échapper à un destin funeste. Pour la faire sortir d'URSS, une seule solution : l'épouser. Un mariage qui ne sera que le premier d'une longue série, car la vie d'Edgar et Ludmilla est loin d'être un long fleuve tranquille, et leur amour ne le sera pas non plus.
"C'est ce qu'il y a de plus beau à vivre, l'inconnu."
Ce roman est une sorte de conte (comme le suggère le chiffre 7 dans le titre), qui présente une allégorie du mariage au long cours : des hautes et des bas, des ruptures et des retrouvailles, des blessures et des réconciliations. A travers ses deux personnages un peu baroques, l'auteur fait défiler soixante-dix ans d'histoire contemporaine : les trente glorieuses et le bloc communiste, puis les années fric où les grands patrons s'offrent des titres de presse et des clubs de sport. Les deux héros sont des artéfacts de Tapie et Callas, lui faisant fortune dans des affaires douteuses, elle trouvant la gloire comme cantatrice dont les grandes scènes se disputent la voix. Et leur vie professionnelle sera aussi chaotique que leur vie privée : de la misère à la richesse, du succès à la ruine, du scandale à la fuite.
"On a beau être riche et au soleil, on n'en reste pas moins mortel."
La psychologie des personnages n'est pas très fouillée, et même leur amour ne paraît pas si extraordinaire que ça, mais il faut reconnaître à Jean-Christophe Rufin un grand talent de conteur, un don certain pour inventer des personnages fantasques et un humour pétillant. J'ai particulièrement aimé le narrateur qui noue dès le début une complicité avec le lecteur, lui expliquant qu'il a bien connu les deux héros et s'est livré à une enquête minutieuse pour reconstituer l'histoire de leur mariage. Au final, le message de l'auteur semble être que ni la fortune, ni la célébrité, ni la réussite n'apportent le bonheur : seul l'amour est important. Ce n'est pas très profond, mais ça se lit tout seul et c'est assez plaisant.
Gallimard, coll. Blanche, 2019. - 384 p.