Aux cinq rues, Lima - Mario Vargas Llosa

Publié le par Papillon

"Le voyeurisme est le vice le plus universel qui soit. Dans tous les peuples et toutes les cultures. Mais surtout au Pérou. Je suppose que vous le savez mieux que personne : nous sommes un pays de commères. Nous voulons connaître les secrets des 6gens et, de préférence, les secrets d'alcôve."
 
 
Les secrets d’alcôve sont au cœur de ce roman qui se déroule au Pérou sous le régime autoritaire du Président Fujimori, alors que le pays est ébranlé par les attentats terroristes du Sentier lumineux et des paramilitaires. Il y a d'abord ceux de Marisa, qui se lance avec délice dans une aventure érotique inattendue avec sa meilleure amie Chabela, dont elle espère que son mari ne saura jamais rien. Quant au mari en question, le riche homme d'affaires Enrique Cardenas, il pensait que la partie fine à laquelle il avait participé quelques années plus tôt après un copieux dîner d'affaires était tombée dans l'oubli, et voilà que débarque dans son bureau Rolando Garro, directeur du plus célèbre journal à scandales de Lima, se vantant d'avoir mis la main sur des photos très compromettantes. Dans l'espoir d'échapper au scandale, Enrique court demander conseil à son avocat et meilleur ami, qui n'est autre que le mari de la belle Chabela. Mais c'est peut-être dans le quartier des Cinq Rues que l'affaire va se dénouer, ce quartier un peu louche où l'on croise des tripots et des prostituées, mais aussi un poète raté et une journaliste fouineuse qui n'a peur de rien.  
 
Sous prétexte de montrer la collusion de la presse et du pouvoir à des fins pas toujours honorables, l'auteur écrit une comédie de mœurs toute en ironie feutrée. Bizarrement ce ne sont pas les rôles principaux qui sont les plus réussis dans cette histoire mais ceux qui rodent à la périphérie, comme le poète dont toute la vie est pilotée par son chat, ou ce mystérieux Docteur qui tire les ficelles et devant lequel tout le monde tremble. Quant à la journaliste surnommée "la Riquiqui", elle se révélera plus complexe que prévu, dans son désir de tout mettre en oeuvre pour dévoiler les coulisses du scandale. Si tout cela se lit très bien, je dois quand même avouer que jusqu'à la moitié du roman, j'ai trouvé cette histoire bien légère et bien platement écrite, surtout si l'on se souvient que Vargas Llosa a obtenu le prix Nobel de littérature en 2010. Mais le lecteur va de surprise en surprise alors que l'histoire connait des virevoltes inattendues, autant sur le plan médiatique qu'érotique. Et surtout il y a cet extraordinaire chapitre intitulé "Un tourbillon" où l'auteur entrelace tous les fils narratifs avec une virtuosité bluffante, dans une version littéraire de l'échangisme. 
 
Une comédie légère et plus subtile qu'il n'y parait, où les égarements des sens servent d'échappatoire à un monde anxiogène.
 
 
Traduit de l'espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan et Daniel Lefort.
Gallimard (coll. Du monde entier), 2017. - 304 p.
 
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M
Voilà longtemps que je n'ai rien lu de Vargas Llosa, mais j'avais beaucoup aimé "La ville et les chiens" (vraiment excellent), "La tante Julia et le scribouillard", ainsi que "Qui a tué Palomino Molero", notamment.
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P
Son dernier n'est pas un indispensable à mon avis...
M
J'ai plusieurs roman de cet auteur mais pas celui-là dans ma PAL. Il faudrait que je les ressorte :-)
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P
Celui-ci n'est franchement pas son meilleur....
D
Je te relis. Je suis précisément dans Le tourbillon, à moins d'une cinquantaine de pages de la fin, et j'avoue que j'ai envie de laisser tomber. C'est un peu bête à ce stade, mais je me lasse un peu. Me conseilles-tu d'aller au bout, ou bien de toute façon, je n'ai à ton avis plus rien à attendre?
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P
A cinquante pages de la fin, en effet tu n'as plus grand chose à en attendre et ce n'est plus la peine d'insister! Si ce fameux chapitre n'a pas réussi à relancer ton intérêt, plus rien ne le fera.
U
Je n'ai lu cet auteur qu'il y a longtemps. Voilà de quoi renouer avec lui.
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P
Ce n'est pourtant pas son meilleur!
K
Je note ta légère déception, mais je reste tentée quand même... j'en ai un plus ancien de l'auteur à lire, alors rien ne presse !
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P
De toute façon il sortira en poche l'année prochaine ;-)
K
Je l'ai celui-là... mais je suis dubitative... Je ne l'ai jamais lu, cet auteur et j'ai un peu peur.
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P
Oh ça se lit très bien, n'aie crainte, mais je crains que ça ne s'oublie tout aussi vite !
A
Je n'ai pas lu cet auteur depuis une éternité. Ce n'est peut-être pas avec celui-là que je vais m'y remettre. Ça n'a pas l'air d'être son meilleur.
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P
Je le trouve en effet très mineur !
D
Je te lis en diagonale, car il s'agit d'une de mes prochaines lectures.<br /> Mais du coup, je n'arrive pas bien à saisir si tu es séduite ou un peu déçue...
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P
Je suis un peu déçue dans la mesure où je m'attendais à autre chose de la part d'un prix Nobel. .. J'ai hâte d'avoir ton avis.
K
Noté , mais emprunté à la bibli jusqu'au 4 novembre (?, et en général certains prennent vraiment tout le temps proposé)<br /> Tu es sûre que l'Amérique latine soit dans Lire le monde? Je crois que Sandrine a exclu l'Amérique (dura lex sed lex) à mon grand regret aussi.
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K
Hé oui, dommage pour l'amérique latine, pas si fréquente que cela sur les blogs;..<br /> L'été les prêts sont allongés, jusqu'au 19 septembre, et pour cause d'inventaire, on peut emprunter autant qu'on veut! j'ai donc une PAL énorme!<br /> Pour ces dates de novembre, i l doit s'agir d'emprunteurs 'particuliers' mais hélas je sais par expérience que cela ne les rend pas plus rapides, même si des gens attendent, il faut le deviner. Bref, la pAL est là de toute façon.
P
Dis donc ils sont longs les prêts chez vous ! Et tu as raison : l'Amérique latine n'est as dans le Challenge, je viens de vérifier (je pensais que Sandrine avait exclu seulement l'Amérique du Nord )