"L'argent est le Tout ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est la réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes."

Elle s'était rêvée en collectionneuse de feux d'artifices, elle se retrouve à traduire les échanges abscons et codés de petits dealers de drogue. Fille et femme d'escroc, Prudence Portefeux avait longtemps mené une vie oisive et luxueuse, avant de se retrouver veuve avec deux enfants en bas âge et un doctorat d'arabe en poche.
"En l’épousant je pensais baigner pour toujours dans l’amour et l’insouciance. Je ne pouvais pas m’imaginer qu’il puisse se passer dans la vie quelque chose d’aussi affreux qu’une rupture d’anévrisme en plein milieu d’un fou rire. "
Pour gagner sa vie et nourrir ses enfants (et payer l'EPHAD d'une vieille mère très pénible), elle est devenu traductrice-interprète judiciaire. Un boulot quelque peu fastidieux, qui donne pourtant accès à des informations confidentielles. Voilà comment Prudence découvre l'existence d'un gros stock de drogue égaré dans la nature. Il n'en faut pas plus pour qu'elle se lance dans le trafic de drogue et le blanchiment d'argent sale, histoire de régler une fois pour toutes ses problèmes d'argent.
"Le jeu du capitalisme, je connais, eux aussi : c'est le plus immonde qui force le respect."
Ce qui est extrêmement plaisant dans cette histoire n'est pas tant l'intrigue, même si elle montre l'envers bien glauque d'un système judiciaire un rien délabré, car elle repose sur beaucoup d'improbables coïncidences et coups de bol. Non, toute la force de ce polar repose sur le ton décapant et très anti-politiquement correct de la narratrice. Et, attention, ça déménage ! L'auteure, qui connait bien son sujet puisqu'elle est avocate pénaliste, parvient en moins de 200 pages à raconter l'histoire d'une famille particulièrement foutraque qui s'est construite sur les horreurs historiques du XXe siècle (décolonisation pour le père, holocauste pour la mère), tout en livrant une critique caustique de la société francaise contemporaine, de ses dérèglements et dysfonctionnements divers. Le tout n'est pas très moral, mais c'est un régal !
C'est après avoir entendu l'auteure parler de son bouquin chez Trapenard que je me suis précipitée pour l'acheter.
Métailié, 2017. - 176 p.