Parmi les dix milliers de choses - Julia Pierpont
"Tu devrais peut-être t'intéresser davantage aux enfants que tu as déjà, dit-elle. Quel intérêt d'en faire un troisième quand on en a déjà gâché deux ?"
Quiconque est tenté de tromper son conjoint devrait garder à l'esprit qu'il n'est pas à l'abri de tomber sur un(e) foldingue qui va faire exploser sa vie. Jack Shanley avait totalement sous-estimé l'amour que lui portait la jeune maîtresse qu'il vient de larguer après quelques mois de passion torride. Et que fait une femme qui souffre ? Elle cherche à se venger. La vengeance sera aussi pathétique qu'effroyable. Celle que l'on n'appelle plus que "la fille", dans une tentative désespérée de la faire disparaître, imprime tous les échanges numériques qu'elle a pu avoir avec Jack, dont certains très érotiques, et flanque le tout dans une boite à chaussures qu'elle expédie à Deb, l'épouse trompée, avec cette impitoyable logique qui veut que si le coupable reste insensible, c'est l'innocent qui doit payer la facture. Sauf que la boite n'est pas réceptionnée par la mère mais par sa fille de douze ans, laquelle atterrée file la patate chaude à son frère qui s'en débarrasse auprès de sa mère. Voilà comment, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, les turpitudes sexuelles du père ont fait le tour de la famille. Un froid polaire s'abat sur l'appartement des Shanley, dont Jack va être bientôt banni.
Admettons que cette histoire des plus banales commençait avec une certaine originalité, et que la narration à quatre voix avait un certain charme. Hélas, les histoires d'adultères et de familles en décomposition se ressemblent toutes, et celle-ci n'a pas grand chose de plus que les autres, sauf qu'elle se déroule à Manhattan, ce qui présente toujours un petit côté exotique et excitant. Mais là-bas comme ailleurs, les couples s'essoufflent, les enfants finissent par découvrir que les parents ne sont pas ces êtres parfaits qu'ils imaginent, et certaines choses restent difficilement pardonnables. Il est bien difficile d'accorder la moindre circonstance atténuante à Jack, qui cumule à peu près toutes les lâchetés et les bassesses. Un type sans grand intérêt, sauf quand l'artiste d'avant-garde qu'il est parle de son art, proférant ses seules paroles dignes d'intérêt de tout le bouquin.
Le meilleur moment du roman est sa deuxième partie où l'auteur nous fait un récit accéléré de ce qui va advenir de cette famille, mêlant les infimes détails du quotidien (la pendule de la cuisine toujours en avance ou en retard d'une heure) aux événements dramatiques de la vie (mort de la grand-mère). Cette partie arrive malheureusement trop tôt, donnant la fin (triste et fade) de l'histoire de cette famille, ôtant une grande partie de son intérêt à la troisième partie, qui m'a été d'un ennui mortel. Cette famille qui était une famille avec tous ses petits dysfonctionnements, mais ses petits bonheurs aussi, va devenir un bidule sans forme et semble-t-il sans goût, comme si après la réception de la boite maléfique et de son contenu, la vie ne pouvait plus avoir aucune saveur.
Je crois que je me suis lassée de ce genre d'histoires, en fait.
Stock, coll. La Cosmopolite, 2016. - 314 p.