2017, l'élection improbable

Publié le par Papillon

"Mais c'est monstrueux !
- Non, c'est 2017."
Basile Panurgias
 

Arnaud Viviant, qui, lorsqu'il n'est pas au Masque et la plume, dirige la revue politique Charles, a demandé à une dizaine d'écrivains et journalistes d'imaginer l'élection présidentielle de 2017. Le résultat est un recueil de nouvelles de politique fiction qui fait un peu froid dans le dos.

La plupart des personnages de ces nouvelles nous sont évidemment bien connus, pour ne pas dire trop connus. Raison pour laquelle, peut-être, la plupart de ces écrivains les condamnent aux pires avanies. Marie Desplechin (En attendant Angela) voit les grands ténors de la politique disparaître l'un(e) après l'autre : Le Pen dans une doline russe, Sarkozy dans une explosion pétrolière et Hollande dans un attentat nucléaire. Viviant (Le Menhir), lui, imagine comment la disparition mystérieuse de Le Pen père déstabilise complètement sa fille. Chez Basile Panurgias (Le Selfie du grizzli), c'est Juppé qui fait une crise cardiaque entre les deux tours et chez Jérôme Leroy (Dans la peau d'Alain Juppé), c'est Marine Le Pen qui se fait assassiner dans une France à feu et à sang. Le plus drôle reste Thomas Legrand (Sarko Papillon). L'excellent chroniqueur politique de France Inter enferme Sarkozy dans un locked-in syndrome suite à une chute de vélo, l'obligeant à subir le discours de la toujours raffinée Isabelle Balkany, venue lui raconter comment l'économiste Thomas Piketty s'est retrouvé au second tour. On pourrait presque penser que par la voix de ces écrivains l'inconscient collectif exige un grand coup de balai sur la scène du théâtre politique...

"C'est le problème des énarques de cette génération-là. Ils sont hors-sol. Complètement hors-sol. Ils n'ont jamais lu un roman et sont infoutus de distinguer un Saint-Emilion d'un Pécharmant." (Jérôme Leroy)
 
Frédéric Ciriez (Le Théâtre ovale), lui, sort la sulfureuse Rachida Dati de son placard, tandis que Maël Renouard (L'Hypothèse de l'automne) propose prudemment de déplacer l'élection en automne, saison où les français sont moins portés au changement. Quant à Antoine Bello (Les Porte-paroles), il imagine, avec son humour habituel, comment les deux candidats extrémistes ont dévissé dans les sondages après qu'on a découvert qu'ils utilisaient le même rédacteur pour leurs discours, lequel  rédacteur se révèlant être une intelligence artificielle capable de pondre du discours au kilomètre, une faute de goût impardonnable au pays de Victor Hugo. Sous la boutade, se cache pourtant une question essentielle : qui nous parle à travers le discours politique ? Une question à laquelle fait écho Panurgias : "la politique, ça n'est plus les idées ou les hommes, c'est les histoires". Le tout met quand même tragiquement en évidence la vacuité du discours politique.
 
"Nous avons inventé la langue de bois. Ce serait un comble qu'un robot nous donne des leçons." (Antoine Bello)
 
Si, sur le plan littéraire, j'ai un petit faible pour le texte de Jérôme Leroy qui parvient à créer une atmosphère en trois phrases (et a presque réussi à me rendre Juppé sympathique, parce qu'un homme qui aime le bon vin et la poésie ne peut pas être totalement mauvais), sur le plan politique, ma préférence va à la nouvelle de Jérémy Collado (Les Quatre mercenaires), dont le nom m'était totalement inconnu et dont je découvre qu'il est journaliste sur Slate. A travers un scénario catastrophe, c'est lui qui pose le mieux le problème, à mon sens : "Tout ce portrait était caricatural. Mais il correspondait à ce qu'en avaient fait Nicolas Sarkozy puis Francois Hollande, préférant le mensonge à une politique lucide, ambitieuse et intelligente. Au lieu de s'adresser à la raison des citoyens, ils se contentaient de viser leurs pulsions." 
 
Tout cela finira peut-être comme le prévoit Jean-Noël Orengo (Votes blancs sous les tropiques), mais aussi Frédéric Ciriez et Jérôme Leroy : par un record d'abstention et de votes blancs. Avouons que tout cela n'est guère optimiste, sauf à le prendre avec la plus grande légèreté : c'est de la fiction.
 
 
Sous la direction d'Arnaud Viviant.
La Tengo Editions, 2016. - 212 p.
 
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Y
Omontolkien ... Et dire que ca approche ...
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P
... et ça fait peur...
C
La couv' est, je trouve d'un mauvais goût absolu.Viviant a le don de m’exaspérer mais le concept est intéressant.
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P
Je suis assez d'accord pour la couv' . C'est vrai que Viviant est parfois agaçant mais le projet de ce recueil n'en est pas moins très intéressant.
N
Ah je l'avais noté dans un coin de ma tête ce recueil, il faut que je me le procure. Le problème avec la fiction sur le thème politique c'est qu'on n'est jamais très loin de la vérité (cf la trilogie de l'emprise de Marc Dugain).
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P
Il faut que je lise cette trilogie. Les écrivains ont parfois plus de vision ou de recule que nous...
L
pas trop tentée , mais bon un exercice comme un autre! pourquoi les auteurs se plient-ils à tant de commandes?
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P
Je pense que ceux qui acceptent sont ceux que ça amuse :-)
K
Mouais pour l'instant c'est de la fiction.<br /> Sinon, en attendant 2017 tu vas pouvoir t'intéresser aux élections US, c'est bientôt!!! ^_^
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P
Pour l'instant je trouve la campagne électorale aux US assez affligenate, je dois dire. Les américains n'ont pas grand chose à nous envier, en fait.
C
Je fuis les livres où il est question d'élection ou/et de politique.
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P
Je ne me serais pas lancée dans un essai mais de la fiction, ça va, surtout sous des formats courts comme ceux-ci.
A
De toute façon, elle fait flipper cette future élection, alors autant s'amuser en attendant avec ce genre de fiction, en espérant que l'un d'eux n'a pas (trop) décrit la réalité à venir. Parce que, franchement, on ne voit pas bien ce qui va sortir de cette pétaudière.
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P
Je suis assez d'accord... Mieux vaut en rire en atendant.
D
De la fiction… au moins jusqu'en mai 2017. J'avoue que cette échange m'inquiète terriblement.<br /> Un intrigant recueil, en tout cas.
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D
Bon, je voulais dire "échéance" évidemment… Ah les correcteurs automatiques !
P
A voir ce que les écrivains imaginent, je crois que cette élection inquiète tout le monde...