Le nuage d'obsidienne - Eric McCormack
"Lorsque nous voyons une chose, quelle qu'elle soit, elle n'est plus identique à ce qu'elle était, et nous non plus."

Rêve ou réalité, magie ou illusion, miracle ou mirage : est-il vraiment possible de démêler le fantastique du rationnel, le fantasme de l'authentique, le chimérique du matériel ?
Alors qu'il séjourne dans une petite ville mexicaine, un orage oblige Harry Steen à se réfugier dans une librairie. Il y déniche un très vieux livre qui relate une anecdote survenue deux siècles plus tôt à Duncairn, un petit village écossais. Ce nom le bouleverse, car il a lui-même passé quelques mois dans ce village à l'âge de vingt et un ans, y a vécu une aventure intense, et n'en a ensuite plus jamais entendu parler. Ce vieux livre raconte un événement quasi surnaturel sans qu'il soit possible de savoir s'il s'agit d'un récit ou d'une fiction. Au cours d'un été orageux, un nuage très noir avait recouvert le village, un nuage "si noir et lisse qu'il formait comme un miroir d'obsidienne." Dans ce miroir céleste et éphémère, tous les habitants avaient pu voir l'espace d'un instant leur propre reflet. Rentré chez lui au Canada, Harry va essayer d'en savoir plus sur ce vieux livre et l'incident climatique qu'il évoque. Il envoie l'ouvrage à un expert bibliophile écossais. Et, en attendant le verdict, il entreprend de nous raconter sa vie aventureuse et sa quête de lui-même.
Voilà un roman qui avait tout pour me plaire : de l'imagination, de l'exotisme, un jeu constant sur le réel et l'illusion. Un roman que j'aurais vraiment voulu aimé, tant ce début dans des brumes écossaises chargées de mystères me semblait riche de promesses. Hélas, j'ai trouvé que l'intrigue s'essoufflait assez vite. Certes l'auteur nous emmène aux quatre coins du monde, distillant des anecdotes qui toutes jouent sur la frontière poreuse entre illusion et réalité, et multipliant les personnages extravagants, mais le héros aura finalement une vie assez banale, tant sur le plan sentimental que professionnel. Il donne l'impression de ne jamais choisir sa vie mais d'être plutôt le jouet des évènements et des êtres qu'il croise sur sa route. Et toutes ses petites aventures ne sont guère plus que des perles qui s'enfilent sur un collier, sans jamais dégager un sens réel, tout à fait à l'image de la collection d'objets insolites que son fils accumule dans son magasin d'antiquités, sans autre but que de les exposer au public.
"Lui parler, c'était parfois comme d'ouvrir une vieille boite a chaussures, et découvrir des joyaux à l'intérieur. "
Ce livre m'a fait exactement l'effet inverse : un coffre au trésor rempli de pacotilles. J'ai trouvé que tout cela manquait singulièrement de sens et de cohésion, et qu'il était bien dommage d'avoir autant d'imagination, et un univers aussi riche sans jamais parvenir à dépasser cette banalité : la vie est riche en événements inexplicables.
Du même auteur : L'épouse hollandaise
Christian Bourgois, 2016. - 478 p.