La douce colombe est morte - Barbara Pym
"J'avais une colombe, et la douce colombe est morte ;
Et j'ai pensé qu'elle était morte de chagrin ;
O, quel pouvait bien être ce chagrin ? Ses pieds étaient liés
Par un unique fil de ma propre main tissé..."
John Keats
Leonora, jolie femme à la quarantaine élégante et raffinée, dispose de ressources suffisantes pour ne pas être astreinte à la nécessité de travailler. Elle occupe son temps à faire du shopping chez Harrods et boire du thé avec ses amies. Dans l'une des ventes aux enchères qu’elle affectionne, elle fait la connaissance de deux antiquaires, l’oncle et le neveu. Et alors que l’on s’attendrait à ce qu’elle se laisse séduire par le sémillant Humphrey, c’est avec le jeune James qu’elle va nouer un lien d’intimité fondé sur un amour partagé pour les très beaux objets, une relation qui balance entre tendresse maternelle et amitié amoureuse, et transforme la vie de cette solitaire éprise de beauté et de perfection. Malgré la différence d'âge, Leonora s'accommode fort bien de cette relation intense quoique platonique, à condition qu'elle reste exclusive. Or James est jeune, volage et faible. Malgré son affection sincère pour Leonora, il va vite tomber dans les bras d'une fille assez banale, avant de se prendre de passion pour un sulfureux jeune homme, mettant à mal le cœur de la pauvre Leonora.
"Alors tu l'aimes toujours - qu'est-ce que ça veut dire "aimer" ? Tu lui as donc fait de la peine - mais c'est ça l'amour, faire de la peine et en avoir."
Ce roman n’est pas mon préféré de Barbara Pym. Je n’y ai retrouvé ni l’ironie mordante, ni la mélancolie douce-amère qui est sa marque de fabrique. Contrairement aux héroînes habituelles de l'auteure, Leonora ne fréquente ni église glaciale, ni bibliothèqye poussiéreuse, et n'a dans ses relations ni fringant pasteur, ni universitaire ennuyeux. La préface signale en outre que ce roman fut refusé par une vingtaine d'éditeurs avant d'être publié, ce qui ne me surprend guère, tant il est difficile de s’attacher à la froide et (apparemment) insensible Leonora, obsédée par son apparence et par la recherche de la perfection, toujours prompte à juger son prochain avec une certaine condescendance. Cette oisive est bien peu bienveillante vis-à-vis de son prochain, qu’il s’agisse de son amie Meg, qu’elle juge vulgaire, et dont elle se moque pour s’être entichée d’un jeune benêt qu’elle protège comme son fils, ou de sa voisine Liz, une veuve qui meuble sa solitude avec une troupe de chats. Leonora ne semble tolérer autour d'elle que des hommes vaguement asexués, prêts à jouer les serviles chevaliers servants. Si bien que je n'ai pas ressenti la moindre empathie à son égard quand elle finit par s'effondrer.
Il y a quelque chose de vaguement démodé dans ce roman très british où l’on s’abreuve de thé et où les relations hommes femmes ont quelque chose d’empesé, un roman qui évoque moins un amour impossible que le passage du temps, et ce moment où les femmes prennent conscience que leur jeunesse est passée, que leur beauté a fané et qu’il faut dire adieu aux rêves romantiques.
Lu dans le cadre du Mois anglais de Lou et Cryssilda.


Traduit de l'anglais par Martine Béquié.
10/18, 1987 (1e éd. 1978), 250 p.