Comme neige - Colombe Boncenne
« On cherche ce qu’on cherche pour chercher à se chercher (ou quelque chose de cet ordre-là). »
Quel lecteur n'a pas rêvé de mettre la main sur un inédit de son écrivain favori au détour d'une bibliothèque ou d'une brocante ? C'est exactement ce qui arrive à Constantin Caillaud. Alors qu'il séjourne en Bourgogne avec son épouse, il déniche dans un lot de livres soldés un roman d'Émilien Petit, Neige noire, dont il n'a jamais entendu parler. Il en est à la fois surpris (comment un roman de son écrivain favori a-t-il pu lui échapper ?) et ravi, car c'est grâce à cet écrivain qu'il a rencontré Hélène, sa maîtresse adorée et fuyante, qui partage la même passion pour l'œuvre de Petit. Cette découverte va lui fournir un prétexte pour la rappeler. Mais au moment de lui donner le livre, il n'arrive plus à mettre la main dessus : l'objet a mystérieusement disparu. Plus étrange, ce roman n'apparaît sur aucun catalogue de librairie, de bibliothèque ou de site marchand. Constantin s'adresse à l'éditeur qui lui assure que Neige noire n'existe pas. Il se lance alors dans une minutieuse enquête sur ce roman fantôme en relisant toute les romans d'Émilien Petit, persuadé d'y trouver des indices, puis en questionnant tous ceux qui ont rencontré l'auteur, très discret sur le plan médiatique.
« Il est du destin de la plupart des livres de n’éveiller plus nulle part aucun souvenir, en ce sens votre Neige noire illustre parfaitement ce qui attend ces écrits où nous mettons tant d’espoir, de peine, de vanité, de passion parfois. »
Voici un premier roman très joliment écrit et très futé, en forme d'énigme qui fait un peu tourner en bourrique son héros (et le lecteur par la même occasion). Colombe Boncenne y crée de toutes pièces un écrivain contemporain et toute son œuvre, une œuvre tellement cohérente qu'on aimerait la découvrir, avec des personnages récurrents et des thèmes qui se répondent. Au passage, l'auteure s'amuse en accumulant des micro histoires dans l'histoire et en fictionnalisant des écrivains bien réels (rien moins que Jean-Philippe Toussaint, Olivier Rolin et Antoine Volodine). A travers la belle Hélène s'incarne cette rencontre quasi amoureuse qu'est la découverte d'une œuvre littéraire et le plaisir intense et toujours renouvelé que le lecteur cherche dans la lecture. Et la quête de Constantin, qui va de la curiosité au doute, et de la perplexité à la colère, n'est rien d'autre que cette recherche de sens qui obnubile parfois le lecteur, car toute œuvre littéraire est une énigme à décrypter qui aide parfois à s'explorer soi-même.
« Hélène m’avait expliqué que, selon elle, Emilien Petit n’écrivait qu'un seul livre, dont chaque nouvelle publication était un chapitre, mais donné dans le désordre. A la fin, elle était certaine que l’on pourrait reconstituer le puzzle. »
Et mine de rien, Colombe Boncenne fait jouer un rôle à tous les intervenants de la chaîne du livre : des écrivains et des lecteurs, bien sûr, mais aussi un éditeur, une attachée de presse, un libraire, une imprimerie, des critiques littéraires. Le livre mystère disparu va réapparaître et se réincarner sous une forme inattendue. Au final, la question n'est plus de savoir si ce mystérieux livre existe, mais plutôt qui en est l'auteur. Et si, finalement, c'était le lecteur qui donnait vie au roman ?
Les billets de Kathel, Delphine, Nicole et Noukette.
Éditions Buchet-Chastel, 2016. - 116 p.